J'aimerais mieux pas

Pour ceux et celles qui se demandent comment résister et qui n'ont pas l'âge pour avoir inventés des subterfuges pour être classés P4 et échapper au SMO (Service Militaire Obligatoire), voilà l'histoire étrange de Bartleby d'Herman Melville.

Le résumé officiel de l'oeuvre : Après avoir décrit son cabinet d’homme de loi, lieu sinistre cerné par les grands murs sombres des immeubles avoisinants de Wall Street, et ses clercs, qui évoquent irrésistiblement les personnages les plus comiques de Dickens, le narrateur de cette Histoire de Wall Street rapporte comment Bartleby, qu’il avait recruté comme copiste, refusa obstinément de répondre à tous les ordres et à toutes les demandes, sollicitations et supplications qui lui étaient adressés, leur opposant une même formule: « J’aimerais mieux pas » (I would prefer not to), et entraînant par là le dérèglement de tout son univers.

« Aimerais mieux pas », répétai-je en écho, me levant, en proie à une grande agitation, et traversant la pièce d’une enjambée. « Que voulez-vous dire ? Vous avez perdu la tête ? Je veux que vous m’aidiez à corriger ce feuillet - prenez-le », et je le lui tendis brusquement.

« J’aimerais mieux pas », dit-il.

Je le regardai avec fermeté. Son visage était émacié ; son regard gris, pâle et paisible. Pas une ride d’agitation ne le froissait. S’il y avait eu la moindre gêne, colère, impatience ou impertinence dans son attitude, en d’autres termes, s’il y avait eu en lui quoi que ce fût d’ordinairement humain, je l’aurais sans aucun doute violemment congédié de ces lieux. Mais dans ces conditions, j’aurais aussi bien fait de mettre à la porte mon pâle buste en plâtre de Cicéron. Je restai là, un moment, à le considérer, alors qu’il poursuivait ses écritures, puis je me rassis à mon bureau. C’est bien étrange, pensai-je. Quel parti prendre ?

Bartleby est le libertaire le plus poli et le plus déprimant que l'on puisse rencontrer, il n'en est pas moins très efficace.

Je n'ai pas relu la nouvelle recemment mais elle vous marque à jamais sauf la fin bien sur, je ne me rappelle jamais des fins. Je crois que les motivations de Bartleby nous demeurent inconnues, car l'oeuvre n'aurait pas le même impact si le comportement de Bartleby était explicité.

L'idée de résistance à propos de Bartleby a été développée par Deleuze dans un essai que je n'ai pas lu.

J'aime l'idée de refus dans la politesse. Avant d'être une formule de style, la politesse est basée sur l'obéissance. Cette analyse contredit ceux qui voient dans la politesse l'expression des relations dans une société égalitaire. Mais si la société n'est pas égalitaire, si elle est hiéarchisée, la politesse se doit d'être une manifestation d'obéissance.

Bartebly renverse le code : il garde la formule de style et il n'obéit plus. Ce faisant il dérègle le système managérial, le lien d'autorité, le cadre normatif.

Repeat after me : I would prefer not to

Comments

[Saoulfifre]

Ha la conjuration des imbéciles ! C'est Tant-Bourrin qui m'a fait découvrir cette merveille. Le genre de bon conseil que tout le monde devrait suivre q:^)

[nicocerise]

@L'ami rasta : je suis en train de lire la conjuration des imbéciles.

[nicocerise]

@Rasta mon ami : au lit la domination de l'homme par l'homme n'a pas que des cotés négatifs.

[L'armée de Jah]

Je ne serai trop aussi vous conseiller de lire ou de relire "la conjuration des imbéciles" de John Kennedy Toole.
Ignatius J. Reilly a des façons bien à lui d'exprimer le fameux "I would prefer not to" auprès de sa hiérarchie

L'armée ed Jah...Jah

[L'armée de Jah]

Ma chère Cerise,
De la théorie à la pratique, il n'y a qu'un pas.
Dès lors, englué que je suis depuis des semaines dans une situation qui tend à me faire monter exagérement la tension artérielle et rigidifier les multiples vaisseaux qui parcourent mon petit corps tout mou, j'ai pris les devants lors d'un fabuleux comité de direction à mon travail adoré.

I would prefer not to....
Ca y est, je l'ai dit....poliement, posément...

Regards vides de l'assistance...puis murmures
Ca y est, je me vois déjà devant le gentil monsieur encore mal réveillé derrière son petit bureau de l'agence ANPE locale.

Réponse de ma directrice:

I would prefer you to do!!!!

Certainement très libertine ma directrice mais pas libertaire

'armée de Jah...Jah