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Le blog libertaire et anarchiste de NicoCerise
6 décembre 2009

Les crimes de la force

Pour ce dernier lecteur, la ligne rouge, cet article de Louise Michel que j'avais découvert chez susauxvieuxmonde.

« Au fond de ma révolte contre les forts, je trouve du plus loin qu’il me souvienne l’horreur des tortures infligées aux bêtes.

« Depuis la grenouille que les paysans coupent en deux, laissant se traîner au soleil la moitié supérieure, les yeux horriblement sortis, les bras tremblants, cherchant à s’enfouir sous la terre, jusqu’à l’oie dont on cloue les pattes, jusqu’au cheval qu’on fait épuiser par les sangsues ou fouiller par les cornes des taureaux, la bête subit, lamentable, le supplice infligé par l’homme.

« Et plus l’homme est féroce envers la bête, plus il est rampant devant les hommes qui le dominent.

« Des cruautés que l’on voit dans les campagnes commettre sur les animaux, de l’aspect horrible de leur condition, date avec ma pitié pour eux la compréhension des crimes de la force. C’est ainsi que ceux qui tiennent les peuples agissent envers eux ! Cette réflexion ne pouvait manquer de me venir. Pardonnez-moi, chers amis des provinces, si je m’appesantis sur les souffrances endurées chez vous par les animaux.

« Dans le rude labeur qui vous courbe sur la terre marâtre, vous souffrez tant vous-même que le dédain arrive pour toutes les souffrances. Cela ne finira-t-il jamais ?

« Les paysans ont la triste coutume de donner de petits animaux pour jouets à leurs enfants. On voit sur le seuil des portes au printemps, au milieu des foins ou des blés coupés en été, de pauvres petits oiseaux ouvrant le bec à des mioches de deux ou trois ans qui y fourrent innocemment de la terre; il suspendent l’oiselet par une patte pour le faire voler, regardent s’agiter ses petites ailes sans plumes.

« D’autres fois ce sont de jeunes chiens, de jeunes chats que l’enfant traîne comme des voitures, sur les cailloux, ou dans les ruisseaux. Quand la bête mord le père l’écrase sous son sabot.

« Tout cela se fait sans y songer; le labeur écrase les parents, le sort les tient comme l’enfant tient la bête. Les êtres, d’un bout à l’autre du globe (des globes peut-être !), gémissent dans l’engrenage: partout le fort étrangle le faible. Étant enfant, je fis bien des sauvetages d’animaux; ils étaient nombreux à la maison, peu importait d’ajouter à la ménagerie. Les nids d’alouette ou de linotte me vinrent d’abord par échanges, puis les enfants comprirent que j’élevais ces petites bêtes; cela les amusa eux-mêmes, et on me les donnait de bonne volonté. Les enfants sont bien moins cruels qu’on ne pense; on ne se donne pas la peine de leur faire comprendre, voilà tout. »

Louise Michel, Mémoires, Éd. François Maspero, 1976

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Commentaires
N
@Andiamo : inestimable en effet l'auteur de la guerre des boutons. Je ne connais pas les histoires de bêtes, j'imagine une très grande lacune. Il est mort dans la Meuse en 1915. C'est important la Meuse pour les valeurs.
A
Cela me rappelle quelques histoires horribles lues dans : de goupil à Margaud du trop oublié Louis Pergaud. Notamment cette histoire de pie apprivoisée, que les hommes à force de la faire boire rende alcoolique !
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