Face à la division
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Français, aimons-nous, mon Dieu, mon Dieu ! Aimons-nous ou nous sommes perdus. Tuons, renions, anéantissons la politique, puisqu'elle nous divise et nous arme les uns contre les autres ; ne demandons à personne ce qu'il était et ce qu'il voulait hier. Hier tout le monde s'est trompé, sachons ce que nous voulons aujourd'hui. Si ce n'est pas la liberté pour tous et la fraternité envers tous, ne cherchons pas à résoudre le problème de l'égalité, nous ne sommes pas dignes de le définir, nous ne sommes pas capables de le comprendre. L'égalité est une chose qui ne s'impose pas, c'est une libre plante qui ne croît que sur les terrains fertiles dans l'air salubre. Elle ne pousse pas de racines sur les barricades, nous le savons maintenant ! Elle y est immédiatement foulée aux pieds du vainqueur, quel qu'il soit. Ayons le désir de l'établir dans nos moeurs, la volonté de la consacrer dans nos idées. Donnons-lui pour point de départ la charité patriotique, l'amour ! C'est être fou de croire qu'on sort d'un combat avec le respect du droit humain. Toute guerre civile a enfanté et enfantera le forfait...
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Nous avons à faire les immenses efforts de la fraternité pour réparer les ravages de la haine. Il faut conjurer le fléau, écraser l'infamie sous le mépris et inaugurer par la foi la résurrection de la patrie.
SAND A FLAUBERT.
Nohant, 14 septembre 1871.
[lettre publiée, sans indication de destinataire, dans Le Temps du 3 octobre 1871, sous le titre de "Lettre à un ami" ]
Le milieu de votre article m'a fait verser un pleur. - Sans me convertir, bien entendu ! J'ai été ému, voilà tout ! mais non persuadé !
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FLAUBERT. A SAND
Croisset, 7 octobre 1871
Note de l'auteur : cet échange de lettre fait suite à la commune de Paris (Mars à Mai 1871) que Flaubert et Sand ont suivi de loin depuis la province. Ils étaient tous les deux choqués par les bruits qui venaient de la capitale et ils cherchaient à penser une société qui puissent progresser tout en évitant la guerre civile.
Cette recherche d'équilibre dans la pensée est toujours d'actualité fasse à la politique qui nous divise.