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Le blog libertaire et anarchiste de NicoCerise
10 septembre 2008

Le retour du Leviathan : le droit à résister

Comme je l'ai signalé ici ou là le Leviathan de Thomas Hobbes est l'ouvrage politique fondamental du politique moderne.

Mais le Leviathan est souvent vu uniquement comme la légitimation de l'état totalitaire "ce grand LÉVIATHAN, ou plutôt, pour parler avec plus de déférence, de ce dieu mortel à qui nous devons, sous le Dieu immortel, notre paix et notre protection. Car, par cette autorité, qui lui est donnée par chaque particulier de la République, il a l'usage d'un si grand pouvoir et d'une si grande force rassemblés en lui que, par la terreur qu'ils inspirent, il est à même de façonner les volontés de tous, pour la paix à l'intérieur, et l'aide mutuelle contre les ennemis à l'extérieur."

Il faut pourtant clarifier certaines choses.

D'abord même si le sujet abandonne sa souveraineté à l'état il ne transfère pas ses droits naturels. L'état est conçu uniquement pour sauvegarder ces droits et il ne peut y porter atteinte : Pour en venir  maintenant aux détails de la véritable liberté d'un sujet, c'est-à-dire aux choses que, quoiqu'elles soient ordonnées par le souverain, le sujet peut cependant sans injustice refuser de faire, nous devons envisager quels droits nous transmettons quand nous construisons une République, ou, ce qui est tout un, de quelle liberté nous nous privons en faisant nôtres toutes les actions, sans exception, de l'homme ou de l'assemblée dont nous faisons notre souverain.

L'homme renonce à ses droits pour assurer sa sécurité : Et par conséquent, c'est un précepte, une règle générale de la raison, que tout homme doit s'efforcer à la paix, aussi longtemps qu'il a l'espoir de l'obtenir, et, que, quand il ne parvient pas à l'obtenir, il peut rechercher et utiliser tous les secours et les avantages de la guerre. La première partie de cette règle contient la première et fondamentale loi de nature, qui est de rechercher la paix et de s'y conformer. La seconde [contient] le résumé du droit de nature, qui est : par tous les moyens, nous pouvons nous défendre.

Toutes les fois qu'un homme transmet son droit, ou qu'il y renonce, c'est soit en considération d'un droit qu'on lui transmet par réciprocité, soit pour quelque autre bien qu'il espère [obtenir] par ce moyen. Car c'est un acte volontaire, et l'objet des actes volontaires de tout homme est un bien pour lui-même. C'est pourquoi il est inconcevable qu'un homme ait pu, par des paroles ou d'autres signes, abandonner ou transmettre certains droits. D'abord, un homme ne peut pas se démettre du droit de résister à ceux qui l'attaquent par la force pour lui ôter la vie, parce qu'il est incon­cevable qu'il vise de cette façon quelque bien pour lui-même. On peut dire la même chose pour les blessures, les fers, l'emprisonnement, parce que, d'une part, il n'y a aucun avantage consécutif au fait d'endurer ces choses, comme il y en a au fait de souffrir qu'un autre soit blessé ou emprisonné, et d'autre part, parce qu'un homme, quand il voit des hommes agir avec violence à son égard, ne peut pas dire s'ils projettent ou non sa mort. Enfin, le motif, la fin pour lesquels un homme accepte ce renoncement au droit et sa transmission n'est rien d'autre que la sécurité de sa personne , pour ce qui est de sa vie et des moyens de la préserver telle qu'il ne s'en dégoûte pas. Et c'est pourquoi, si un homme, par des paroles, ou d'autres signes, semble se dépouiller de la fin que visaient ces signes, on ne doit pas comprendre qu'il voulait dire cela, ou que c'était sa volonté, mais qu'il était ignorant de la façon dont de telles paroles et de telles actions seraient interprétées

Il y a donc dans Hobbes beaucoup plus que la résistance à l'oppression il y a le devoir de résistance tout court que l'on soit coupable ou innocent. Ainsi il est normal que l'homme résiste si la police vient l'arrêter.

Je rappelle que la constitution française ne reconnait pas la résistance à l'oppression :

Art. 2. DDHC - Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l'oppression.

Art. 7. - (...) mais tout citoyen appelé ou saisi en vertu de la Loi doit obéir à l'instant : il se rend coupable par la résistance.

Il est bien entendu qu'aujourd'hui où l'executif dispose d'un pouvoir réglementaire étendu (décret créant le fichier Edvige par exemple) que celui qui résiste à un arrêté quelqu'il soit est coupable. Pour une analyse juridique : voir celle ci que je n'ai pas lu.

Rien à voir avec la Constitution de l’An I - Première République - France, 24 juin 1793 (qui n'a jamais été appliqué)

Article 27. Que tout individu qui usurperait la souveraineté soit à l'instant mis à mort par les hommes libres.

Article 33. La résistance à l'oppression est la conséquence des autres Droits de l'homme.

Article 34. Il y a oppression contre le corps social lorsqu'un seul de ses membres est opprimé. Il y a oppression contre chaque membre lorsque le corps social est opprimé.

Article 35. Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l'insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs.

Comme les autres fois la traduction du Leviathan (en italique) est de Philippe Folliot

http://classiques.uqac.ca/classiques/hobbes_thomas/leviathan/leviathan.html

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